Quel lien entre hérédité et cancer ?
Le cancer du sein dans la population résulte du mélange de 2 distributions. L’une sans déterminant héréditaire (95% des cas), tumeurs sporadiques sans composante familiale et l’autre dans 5% des cas, en rapport avec un déterminant génétique. Aujourd’hui, grâce à de nouveaux outils, de nombreux progrès ont été faits dans la détection et la prévention du cancer du sein héréditaire.
La connaissance des anomalies génétiques impliquées dans un type de cancer permet de comprendre les processus de l’oncogenèse, d’identifier dans les cas d’anomalies génétiques familiales, les sujets à risque afin d’adapter une prévention et un dépistage strict.
Nos experts prennent la parole...
https://youtu.be/Qe1m5AK74ho
Tests génétiques et cancer du sein, comment sont-ils réalisés ?
Dr Odile COHEN HAGUENAUER
https://youtu.be/I418_Xz-jQ4
Cancer du sein et tests génétiques, pour qui, pour quoi ?
Pr François EISINGER
Pourquoi penser au caractère héréditaire du cancer du sein ?
On peut suspecter le caractère héréditaire du cancer du sein devant un arbre généalogique avec plusieurs cas de cancers du sein et de l’ovaire dans la même branche familiale. La précocité de survenue du cancer est également un élément qui amène à penser au caractère héréditaire de celui-ci.
Une mutation génétique n’est cependant pas obligatoire pour la survenue d’un cancer du sein. En effet, seul 5 à 10% de l’ensemble des personnes affectées par le cancer du sein le sont en raison d’une prédisposition familiale. Cependant pour les femmes entre 25 et 40 ans, les facteurs génétiques jouent pour plus du tiers des cas.
Chez une femme avec la mutation BRCA1, le risque cumulé de cancer du sein est de près de 70% et d’environ 40% pour le cancer de l’ovaire. Pour BRCA2, le risque est légèrement plus faible et en ce qui concerne le risque ovarien, dépend de la localisation de la mutation sur le gène. Cependant avec ce dernier gène, le risque sur le sein continue à augmenter avec l’âge.
Quand un test génétique est-il approprié ?
Un test génétique de recherche d’une mutation peut être proposé devant la présence de critères familiaux tels que la présence de plusieurs cas de cancers du sein dans une même famille, la survenue d’un cancer du sein chez l’homme, ou encore la présence de critères individuels comme la précocité de survenue du cancer, le diagnostic d’un second cancer sur l’autre sein, la présence de plusieurs tumeurs sur le même sein ou la présence d’un cancer de l’ovaire.
Les médecins peuvent notamment s’appuyer sur un système d’orientation appelé « score d’Eisinger » qui permet de mesurer la nécessité d’une consultation de génétique. Dans le cas où une consultation d’oncogénétique est jugée nécessaire, son but est notamment :
- d’établir l’arbre généalogique familial détaillé sur 4-5 générations et tenter d’identifier une branche familiale à risque.
- d’informer le consultant sur la notion de prédisposition héréditaire,
- d’informer du risque de cancers associé à la présence d’une mutation.
En cas de mutation, il est nécéssaire de :
- prescrire des analyses moléculaires en fonction du diagnostic familial,
- indiquer au consultant qu’il faudra informer ses apparentés,
- recommander les modalités de surveillance conformément aux dispositions arrêtées par la HAS et l’INCA qui a mis en place des réseaux de suivi nationaux, ainsi que le Programme Personnalisé de Suivi (PPS) qui y est associé.
Quelle est la personne qui doit être testée ?
L’objectif, selon le dispositif national, est de tester préférentiellement les personnes atteintes par un cancer, le cas échéant diagnostiqué le plus précocement dans la famille et pour lesquelles la suspicion de mettre en évidence une mutation familiale est la plus forte.
Si une mutation a été identifiée chez ce membre de la famille, une recherche de cette même altération pourra ensuite être effectuée chez ses descendants et apparentés, qu’ils soient ou non atteints par le cancer du sein. En France, la personne mutée a l’obligation légale d’informer ses apparentés de la mise à disposition d’un test prédictif . Le choix d’y souscrire sera laissé aux personnes concernées. Un résultat négatif affranchit le sujet de l’hérédité familiale. En revanche, un résultat de présence de mutation va conduire à une prise en charge médicale multidisciplinaire dans le cadre du Programme Personnalisé de Suivi (PPS), car le risque tumoral est élevé même chez un sujet asymptomatique, en plus du risque de transmission à sa descendance.
Comment le test génétique est-il réalisé ?
Le test génétique est réalisé tout simplement à partir d’un prélèvement de sang ou d’un prélèvement buccal. L’ADN constitutionnel est ensuite extrait du noyau des cellules prélevées puis séquencé afin de pouvoir analyser les gènes potentiellement à risque lorsqu’on suspecte un cancer du sein héréditaire.
Actuellement, la recommandation du Groupe Génétique et Cancer national est de pratiquer une analyse en « Panel multigènes ». Ces gènes potentiellement à risque sont au nombre de 13 et sont classés en deux catégories : ceux pour lesquels le risque de développer un cancer est très élevé ou élevé (BRCA1 et BRCA2), modéré ou faible. D’autres mutations associées au cancer du sein ont également été identifiées mais étant associées à un risque modéré proche de celui de la population générale, leur identification ne nécessitant pas de surveillance renforcée systématiquement mais indexée sur l’histoire familiale.
Que faire lorsqu’une mutation est mise en évidence ?
Lorsqu’une mutation est mise en évidence, la conduite à tenir va être différente selon que la personne a déjà été affectée ou non par un cancer.
- Pour une femme qui a déjà été touchée par un cancer du sein, la mise en évidence d’une mutation va conduire à ajouter à sa surveillance habituelle, une IRM mammaire pour la surveillance de son autre sein. Des interventions chirurgicales de réduction du risque peuvent également lui être proposées ainsi que de nouveaux traitements de thérapie ciblée . Ceci se fera après examen de son dossier en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP).
- Pour une femme non affectée par un cancer mais chez qui une mutation a été mise en évidence, la surveillance renforcée est préconisée. A noter pour ces femmes , l’exonération récente du ticket modérateur des examens d’imagerie de surveillance. Ce sera le généticien qui en fera la demande. Il peut également lui être proposé, après examen en RCP, une chirurgie de réduction du risque à partir de 30 ou 40 ans.
- A noter l’exonération du ticket modérateur pour les examens d’imagerie mammaire pour les femmes à risque génétique ou à risque élevé de cancer du sein sur la base de l’histoire familiale, même si une mutation n’a pas été mise en évidence. Europa Donna France a contribué à cette formidable avancée. Pour les femmes à risque génétique/haut risque, c’est l’onco-généticien qui doit rédiger le certificat.
La tumeur, une maladie des gènes ?
Le cancer est le résultat d’une multiplication anarchique de cellules normales qui échappent à tout contrôle de leur différenciation et de leur prolifération. Ces cellules mutantes deviennent capables d’interagir avec leur environnement, de remodeler les cellules autour d’elles, d’envahir le tissu normal mais aussi de migrer à distance. Tout ceci est le résultat de modifications génétiques. La question est de savoir comment surviennent ces mutations. En fait chaque jour notre patrimoine génétique se duplique et il survient des erreurs pendant ces duplications. La plupart du temps le système de contrôle suffit à éliminer les erreurs afin de conserver une intégrité du génome. Mais notre patrimoine génétique n’est pas stable, il est dynamique, autorisant l’évolution !
De plus une tumeur n’est pas la conséquence d’une seule anomalie mais bien de l’accumulation de nombreuses mutations.
Si on analyse des cancers du sein de même phénotype, on va retrouver des cancers avec très peu d’évènements génétiques et des cancers cumulant plus de 500 mutations ! Ces mutations donnent à la cellule des caractéristiques différentes de la cellule normale.
Les formes familiales de cancer du sein sont liées aux mutations des gènes BRCA1 et BRCA2, souvent dans un syndrome sein/ ovaire avec un risque de transmission à la descendance de 50% et associés à d’autres risques tumoraux. Il est important d’identifier les cas à risques afin d’adapter une prévention et un dépistage strict.
L’intérêt de l’accumulation de données génétiques est de proposer une prise en charge adaptée.
On considère actuellement que la tumeur est pluriclonale et non plus monoclonale. Il s’agit d’un développement en parallèle de tumeur multiforme. La recherche se fait sur la tumeur primitive. L’hétérogénéité intratumorale montre que les anomalies génétiques ne sont présentes que sur certaines populations cellulaires, ce qui oriente la multiplication cellulaire. Il est important de comprendre la phylogenèse de la tumeur. Malgré les progrès actuels nous ne sommes qu’au début des connaissances dans la complexité des processus de cancérogénèse.
L'avis de notre experte, le Dr Odile Cohen-Haguenauer
Colloque 2017 – « Les nouvelles approches dans le cancer du sein »
Quand le cancer du sein devient une histoire familiale – Dr Odile Cohen-Haguenauer