Ce que l'on sait aujourd'hui Hygiène de vie, sport, alimentation et cancer du sein … où placer le curseur ?

De l’assiette aux baskets : chronique d’un mode de vie adapté au cancer.

 

Faire face au cancer n’est pas chose simple, les questions se bousculent dans la tête. « Pourquoi moi ? Avais-je une mauvaise hygiène de vie ? Ai-je fait l’impasse sur des aliments qui auraient pu tenir le cancer à distance ? Est-ce le résultat de ma trop grande sédentarité ? ». Autant de questions auxquelles le Pr Laurent Zelek avait pour objectif de répondre.

Pr Zelek, Oncologue Médical au CHU Avicenne de Bobigny, avait la lourde tâche de démêler le vrai du faux et de faire toute la lumière sur les liens entre hygiène de vie et cancer, au premier rang de laquelle on retrouve l’alimentation. Or, s’attaquer au sujet de l’alimentation au pays de la gastronomie, surtout quand on lui présuppose un lien avec la première cause de mortalité qu’est le cancer, ce n’est pas une mince affaire.

De la croyance au principe de réalité ! 

Que nenni ! Il en fallait plus pour effrayer le Pr Laurent Zelek qui s’est attelé à la tâche avec humour afin de dédramatiser un sujet somme toute sérieux, objet de nombreuses croyances. En effet, de tout temps, l’alimentation a été investie d’un pouvoir sacré, presque divin expliquant que la religion se soit emparée du sujet pour prôner l’interdiction de certains aliments.

Faire le choix d'une alimentation équilibréeDepuis lors, les recommandations en faveur de la consommation de tel ou tel aliment bénéfique pour la santé n’ont jamais cessé. Mais elles sont toutes battues en brèche au fil du temps et même quand elles émanent de personnage tout sauf farfelu.

Il cite ainsi le Prix Nobel de médecine, Linus Pauling, qui a longtemps recommandé la consommation d’antioxydants pour limiter le risque de cancer, en particulier les vitamines C et E. Et ceci, avant, ironie du sort, de décéder d’un cancer !

Or, on sait aujourd’hui que la consommation de vitamines sous forme de compléments alimentaires, à l’exception de la vitamine D, empêche les cellules déficientes de s’autoréguler, en se détruisant en cas de mutation anormale, avec à la clé le risque que ces cellules évoluent en tumeur cancéreuse.

Consommer des vitamines en compléments alimentaires à des doses non physiologiques, c’est peut-être dans certains cas comme «vouloir éteindre un incendie avec de l’essence !».

 

L’image est suffisamment explicite pour que son propos soit compris par toutes et tous.  Et pourtant, cela n’a pas empêché un Prix Nobel, qu’on ne peut pas taxer de charlatanisme, de se faire prendre au piège du mythe de l’aliment miraculeux. C’est tellement plus facile de croire, de se rattacher à quelque chose.

Mais la réalité est beaucoup plus complexe, selon le Pr Laurent Zelek. Le cancer du sein est multifactoriel. Il est donc illusoire de croire qu’il existe un aliment aux vertus extraordinaires qui permettrait de réduire le risque de cancer du sein. Le vrai secret réside dans une alimentation équilibrée, éventuellement saupoudrée de curcumine (dont les vertus restent à démontrer !), proche du Plan national nutrition santé (PNNS), incluant une consommation réduite de boissons alcoolisées et préconisant le plaisir nutritionnel.

 

Le poids du plaisir

Le mécanisme est simple : la prise de poids, en développant la masse graisseuse, y compris dans le sein, a une incidence sur la synthèse oestrogénique et l’insulinorésistance qui à leur tour entrainent une accélération de la prolifération cellulaire.

À l’apparition de la moindre cellule cancéreuse, le cancer va se propager comme un feu de paille chez une personne en surpoids, alors qu’il évoluera plus lentement chez une personne de poids normal.

 

L’activité physique comme planche de salut

La pratique d'une activité physique

 

Dans ces conditions, l’activité physique est à consommer sans modération, à part celle de ses articulations ! En effet, il est démontré dans des études de grandes cohortes que la pratique d’une activité physique permet de réduire le risque de survenue de cancer en raison de son impact positif sur le poids et sur la sensibilité à l’insuline.

Sans compter que les bénéfices de la pratique d’une activité physique se mesurent bien au-delà du seul risque de cancer du sein.

Exposition environnementale Les perturbateurs endocriniens : de nouveaux facteurs de risque ? 

En augmentation régulière à travers le monde, le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme. On compte 1,7 million de nouveaux cas par an, dont plus de 54 000 en France en 2015.  Quelles sont les raisons de cette pandémie ? Qu’elles soient d’origine hormonale, génétique ou environnementale, les causes sont bien évidemment multiples et différentes selon le continent ou le pays.

Le professeur Patrick Fénichel, Chef de service d’endocrinologie et médecine de la reproduction au CHU de Nice, nous présente, au travers de nombreuses études réalisées ces dernières années, la mise en évidence de liens entre l’environnement et le développement du cancer du sein, particulièrement le rôle des perturbateurs endocriniens (Colloque Europa Donna 2016).

 

Comment réduire l’exposition à certains perturbateurs endocriniens environnementaux ?

L’exposition peut être considérablement diminuée en adoptant quelques habitudes simples !

  • Eviter le tabagisme et la consommation d’alcool
  • Eviter tout examen radio ou isotopique inutile
  • Ne pas chauffer au micro-ondes dans des contenants en plastique, ni recouvrir de film plastique
  • Eviter les boîtes de conserves, les cannettes
  • Privilégier les bouteilles en verre
  • Manger sain
  • Réduire les graisses saturées animales
  • Pratiquer de l’exercice physique
  • Vérifier la composition des produits cosmétiques
  • Ne pas peindre la chambre de l’enfant en sa présence
  • Éviter d’utiliser des herbicides ou insecticides dans le jardin
  • Veiller à la proximité d’exploitation agricole ou viticole

 

Le cancer du sein est-il d’origine génétique ou environnementale ? 

Quelle part pour les facteurs génétiques ?

Le risque général de développer un cancer du sein augmente avec l’âge selon le fonctionnement hormonal. Les études montrent ainsi une baisse pour les plus de 50 ans et une hausse préoccupante pour les plus jeunes. Il est recommandé de réaliser un dépistage dès l’âge de 30 ans.

10% des cancers du sein sont attribuables à une mutation génétique. Celle-ci modifie la séquence d’ADN d’un gène provoquant l’éventuelle transmission d’une cellule germinale à la génération suivante : ces cancers du sein sont  héréditaires.

A l’inverse, les modifications épigénétiques modulent l’expression de gènes qui ne sont pas fondées sur des changements dans la séquence de l’ADN. La cellule reçoit des signaux l’informant sur son environnement; elle se spécialise au cours du développement où son activité devient agressive, nocive. Ces modifications sont induites par nos comportements (tabagisme, alimentation, alcoolisme…) et certains aspects de l’environnement favorisent le développement du cancer du sein.

 

Les facteurs environnementaux dans tout cela ?

Les évènements de la vie reproductive
  • Le risque peut également intervenir très tôt dans la vie, indépendamment de la génétique, et cela même avant la naissance.
  • Les risques du cancer du sein sont plus importants chez les jeunes filles ayant une puberté précoce, lorsque les premiers signes pubertaires débutent avant l’âge de 8 ans (l’âge moyen est 10 ans et demi).
  • La survenue de grossesses tardives et la nulliparité sont des facteurs liés au cancer du sein connus depuis longtemps. On parle de nulliparité lorsqu’une femme n’a jamais eu d’enfant ou qu’elle n’a pas mené sa grossesse à terme.
  • Enfin, l’absence de l’allaitement et le traitement hormonal de la stérilité, comme de la ménopause sont des facteurs augmentant le risque de développer un cancer du sein.

 

Les facteurs de mode de vie
  • Le surpoids, une mauvaise alimentation, le manque d’activité sportive, la consommation d’alcool, de tabac ou plus particulièrement l’exposition à des produits chimiques (hormones de synthèse) nuisent à la santé en général et augmentent considérablement le risque de cancer.
  • Ce sont autant de facteurs qui expliquent la perturbation du système endocrinien, d’où leur nom de « perturbateur endocrinien». Leur rôle est à ce jour suspecté dans l’apparition de cancers.

 

On parle beaucoup des facteurs endocriniens, qu’est-ce que c’est exactement ?

Les perturbateurs endocriniens (PE) sont des substances chimiques étrangères à l’organisme d’origine naturelle ou artificielle présentes dans l’environnement. Ces molécules ou agents exogènes imitent certaines hormones humaines et altèrent ainsi le fonctionnement de notre organisme ou celui de nos descendants. Les PE interfèrent avec «la production, la sécrétion, le transport, le métabolisme, la liaison, l’action ou l’élimination des hormones naturelles» (Multigner, 2007).

Parmi les multiples PE identifiés comme cancérogènes, on peut notamment citer les plus connus: bisphénol A, dioxines, phtalates, pesticides organochlorés, Distilbène

Que ce soit par voie alimentaire, cutanée ou respiratoire, nous sommes exposés de façon continue à de très faibles doses de multiples PE présents dans l’air, le sol, l’eau, les objets domestiques et les aliments.